Novartis et le départ fracassant de Vasella
Chez Novartis, le départ de Daniel Vasella a eu des remous inhabituels. Son indemnité de 72 millions a confirmé, une ultime fois, qu’il avait perdu tout sens de la mesure. D’autres thèmes, comme les suites du projet de fermeture du site de production de Prangins, sont passés au second plan.
En même temps que le retrait de Daniel Vasella une clause de non-concurrence, non chiffrée était annoncée. Ce secret, contraire à toute bonne gestion d’entreprise, a été levé à temps avant l’assemblée générale (AG), suite à une fuite causant un vif intérêt des médias.
72 millions, la clause de non-concurrence
Daniel Vasella ne devait pas toucher jusqu’à 6 millions par an, comme on l’avait supposé, mais 12 millions, et sur une durée de 6 ans! L’extravagance des rémunérations a atteint son summum. L’indignation a gagné tous les milieux. Même la NZZ (éd. du 20.2.13) a cloué au pilori le conseil d’administration (CA) de Novartis! ACTARES a exigé une totale transparence.
Des regrets avancés, mais pas d’analyse
L’annonce de l’annulation du contrat à 72 millions et l’aveu de Daniel Vasella, en début d’AG, qu’il avait commis une erreur, ont permis un déroulement de cette dernière sans incident. Ce n’est pourtant qu’à la suite d’une nouvelle question qu’ont été précisées deux choses: le contrat allait être renégocié et une information serait donnée en temps utile. Il était évident que le retrait ne résultait pas d’une prise de conscience convaincue. Ulrich Lehner, co-inventeur du contrat et membre du comité de rémunérations a annoncé, juste après «l’aveu», que le CA était heureux que Daniel Vasella ait pu commettre ce type de «faute».
ACTARES refuse la décharge
La tentative de tenir secret l’accord sur les 72 millions le démontre: le CA était conscient qu’il était totalement disproportionné. Malgré ce retrait, le CA doit assumer la totale responsabilité de cette manœuvre qui a échoué. ACTARES a donc recommandé de refuser la décharge et exprimé le souhait que le CA retrouve en son sein une diversité d’opinions.
Passés au second plan dans le tumulte
Dans toute cette excitation autour des rémunérations, on en oublie la marche de l’entreprise. Des objets importants devraient être mis en discussion lors de l’AG. Par exemple les projets concernant le site de Prangins (voir encadré) ou la mauvaise pratique, épinglée par l’UE, consistant à payer un producteur de génériques pour qu’il retarde la mise sur le marché d’un produit, afin que le médicament original puisse être encore commercialisé avec profit.
Sur la pratique concernant les génériques
Poker menteur à Prangins
Novartis démontre une belle souplesse mentale. En 2011, la multinationale annonçait la fermeture de son site de Prangins (Lettre d’information 24). La réalité des chiffres ne laissait pas d’autre issue, fut-il répondu aux nombreuses critiques. Mais l’empressement des autorités et les aménagements qu’elles surent offrir firent revenir l’entreprise sur sa décision (Lettre d’information 25). En avril 2013, ce sont carrément 150 millions de francs que Novartis prévoit d’investir sur le site de Prangins, communication en grande pompe à la clé. Un soulagement pour le personnel et pour la place industrielle suisse. Un goût bizarre demeure pourtant. Comment la société a-t-elle pu à ce point se tromper en 2011? Peut-on se fier à ses dirigeants, pourtant parmi les mieux payés du monde? Ou tout cela n’était-il qu’un poker menteur cynique, destiné à extorquer des avantages aux collectivités publiques? Aucune des deux alternatives ne rassure vraiment.