Les rémunérations soumises au vote
Parmi les vingt principales sociétés cotées à la bourse suisse, six ont soumis leurs rémunérations au vote consultatif des actionnaires, en suscitant une opposition modérée mais sensible. Novartis a refusé la tenue d'une consultation.
Plutôt que d’affronter la motion déposée par la Fondation Ethos et huit autres caisses de pensions (voir Lettre d’Information n°18), les conseils d’administration d’ABB, Credit Suisse, Nestlé et UBS ont décidé de soumettre leur rapport de rémunération au vote consultatif de l’assemblée générale. Roche a franchi volontairement le pas, prenant une longueur d’avance sur Novartis, dont les responsables ont fait obstruction avec succès à cette nouvelle prérogative des actionnaires.
Fronts tranchés chez Novartis
Les actionnaires de Novartis ont été 31% à voter en faveur du droit de s’exprimer, à titre consultatif, sur les rémunérations versées aux dirigeants. En tenant compte des votes exercés automatiquement en faveur des propositions du conseil d’administration, on peut estimer que deux camps de poids équivalent se font face. Difficile dès lors de justifier le status quo.
UBS se distingue
Parmi les sociétés concernées, UBS se distingue doublement. Fin 2008, elle fut la première à annoncer son intention de consulter les actionnaires au sujet de ses rémunérations. Et contrairement aux autres sociétés, ce n’est pas sur le rapport de rémunération de l’année précédente que se prononce son assemblée générale, mais bien sur le système, autrement dit sur la structure et les paramètres des rémunérations à venir. Cette solution ne simplifie pas les débats. Si tout le monde peut avoir un avis sur les rétributions versées l’année précédente, se prononcer sur un système exige en effet de l’étudier et d’en anticiper les effets. Par contre, il s’agit de la variante qui donne le plus de responsabilité aux actionnaires et la seule à pouvoir s’appliquer dans le cas où le vote de l’assemblée générale cesserait d’être consultatif pour devenir contraignant, comme l’exige l’initiative populaire «contre les rémunérations abusives».
Rémunérations fixes au Conseil d’administration
La disparition de la rémunération variable en fonction des résultats annuels pour les membres du Conseil d’administration est un autre élément positif du système soumis aux actionnaires d’UBS. Pourtant, il ne comprend pas de mécanisme qui limiterait les rémunérations futures, ni en chiffres absolus, ni en proportion entre la part fixe et la part variable. Si les rémunérations annoncées aujourd’hui au niveau de la Direction générale et du Conseil d’administration sont acceptables, rien ne garantit qu’il en sera de même à l’avenir. Par conséquent, ACTARES s’y est opposée.
Credit Suisse et les autres
Les rémunérations du Directeur général et des membres du Conseil d’administration de Credit Suisse Group furent en 2008 largement inférieures aux années précédentes, pour passer de peu sous la barre des trois millions de francs suisses. Ce n’est tout de même pas rien en regard d’une perte dépassant les 8 milliards. Et une prime de bienvenue de 19 millions pour un nouveau directeur de la zone Asie-Pacifique, aussi talentueux puisse-t-il être, n’est pas admissible pour ACTARES. Les rapports présentés par ABB, Nestlé et Roche comportaient eux aussi des aspects qui ont conduit ACTARES à les refuser. Les niveaux de rémunérations pratiqués par ABB sont ceux qui s’approchent de plus près de valeurs acceptables, à l’exception des sommes attribuées au nouveau directeur général. En dépit de la crise, qui ne les frappe il est vrai pas trop durement, les autres sociétés continuent à attribuer des sommes qui dépassent l’entendement.
Effets positifs
Le traitement des rapports de rémunération par l’assemblée générale entraîne plusieurs conséquences positives. Pour les membres d’ACTARES, le premier est celui de pouvoir enfin nous exprimer, et voter, spécifiquement sur cet objet. Jusqu’ici, nous devions marquer notre désaccord avec les rémunérations pratiquées en refusant l’entier du rapport d’activités, la décharge des organes responsables ou encore la réélection des membres du comité de rémunération. Désormais, il ne sera plus nécessaire de recourir à ces sanctions indirectes qui sont un pis-aller quelque peu ambigu. La qualité du dialogue a tout à y gagner. Autre avantage, la transparence augmente sensiblement. Si la publication de chiffres détaillés est d’ores et déjà une exigence des autorités boursières, la perspective du vote et de la discussion qui s’y rapporte force les dirigeants à présenter les tenants et les aboutissants du système mis en place.
Controverse
C’est ainsi que la pratique des «golden hellos», ces primes de bienvenue versées à l’engagement de dirigeants, a pu faire l’objet d’un large débat. Sa pratique provient du fait que les rémunérations des dirigeants sont de plus en plus différées dans le temps, de manière à s’orienter sur le long terme. Actions ou options d’achat bloquées contribuent à aligner leurs intérêts sur ceux des actionnaires. Assez fréquemment pourtant, ce volet de la rémunération est perdu lorsque le dirigeant quitte l’entreprise. Cette manière de faire reporte des charges sur l’employeur futur du dirigeant concerné. ACTARES ne cautionne pas ce mécanisme.
Bilan
En définitive, les rapports de rémunération auront été approuvés par des majorités allant de 86 à 92% des voix des actionnaires. Cela peut sembler beaucoup, mais se situe tout de même à un niveau sensiblement inférieur aux taux de 97 à 99% qui valident en général les propositions des conseils d’administration. Pourtant, il est nécessaire de s’interroger à propos de l’exercice des droits de vote des investisseurs institutionnels, et tout particulièrement des caisses de pensions suisses. Selon les estimations, elles détiennent à elles seules environ 20% de la capitalisation boursière. Est-il acceptable que leurs responsables approuvent le versement de 13 millions de francs au nouveau directeur d’ABB avant même qu’il ait commencé son travail? Et les 14 millions qui récompensent le Président de Nestlé? Poser la question, c’est y répondre.
Glossaire
Indemnité de départ: Prime versée en cas de départ normal (sans changement de contrôle dans la société). Un contrat de travail prévoyant un délai de congé de plus de 12 mois peut être considéré comme une indemnité de départ «déguisée».
Parachute doré: Indemnité de départ versée dans le cas du changement de contrôle d´une société (rachat, fusion, etc.).
«Golden hello» ou «Sign-on bonus»: Prime de bienvenue, versée à l’engagement, pour compenser les actions ou options bloquées perdues en quittant le poste précédent.
Actions bloquées: Moyen de lier au succès à long terme de la société la rémunération des cadres, qui ne peuvent pas disposer des actions qui leur sont octroyées avant quelques années, parfois à condition de rester dans l’entreprise. La bonne pratique voudrait que le déblocage des actions soit conditionnel à la réalisation d´objectifs de performance.
Options d’achat: Droit d’acheter des actions à une date future au cours d´aujourd´hui. Les options d’achat deviennent souvent caduques en cas de départ. La bonne pratique voudrait que l´exercice des options soit conditionnel à la réalisation d´objectifs de performance.