Editorial: Des actionnaires "fantômes"
Le lundi 30 août dernier, le journal “Le Temps” publiait un article intitulé: “Des sociétés souhaitent connaître l’identité de tous leurs actionnaires.” La problématique soulevée n’est pas ce que nous avons appelé dès les débuts d’ACTARES celle de l’actionnariat indirect, relative au fait que les membres des caisses de pension et nombres d’épargnants (ou d‘“investisseurs”) ont bien de l’argent placé dans des actions, au moins en partie, mais ne jouissent pas des droits sociaux qui leur sont liés; ces derniers doivent en effet être exercés par les responsables des fonds de pension et autres fonds de placements.
Il s’agit d’un autre phénomène, à savoir du fait que des détenteurs d’actions, pourtant nominatives, ne les inscrivent pas au registre des actionnaires, renonçant de facto à leurs droits sociaux. Et c’est l’ampleur de cette pratique, semble-t-il grandissante, qui interroge. Certaines entreprises du SMI ne donnent pas de chiffres à ce sujet; parmi celles qui en donnent, on trouve (pour 2004) par exemple: Credit Suisse Group (40%), Nestlé (< 30%), Novartis (25%), UBS (42,1%), la palme étant remportée par Swiss Life (45%). La cause de cette situation est à rechercher du côté du négoce très actif et rapide des actions, voire de la pratique du prêt des titres (“securities lending”): on n’a pas le temps d’inscrire des titres au registre des actionnaires que déjà ils ont changé de mains! Du côté des entreprises, on estime bien qu’il y a problème, mais quant à introduire une obligation d’inscription dans la loi, elles hésitent beaucoup à faire le pas, par crainte de gêner le négoce des actions.
Ainsi, pendant que certains cherchent à défendre leurs droits d’actionnaires que, dans plus d’un cas, ils estiment liés à une responsabilité, d’autres cherchent comment ils pourraient demander des comptes à leurs mandataires sur l’exercice des droits sociaux liés aux portefeuilles d’actions qu’ils gèrent. D’autres encore se montrent visiblement non concernés par l’exercice de leurs droits sociaux, donc par la marche des entreprises, pourvu que le commerce des actions leur soit favorable financièrement.
Du point de vue de l’économie durable, les entreprises devraient être intéressées à un actionnariat stable et connu, donc à encourager l’inscription au registre des actionnaires. L’obligation légale d’inscription serait une mesure radicale. Mais on trouve aussi des propositions de mesures propres à favoriser les actions inscrites, telles que le versement de dividendes supérieurs pour ces dernières, voire le versement de dividendes pour ces seules actions inscrites! Une manière de rémunérer autrement les investisseurs qui renonceraient à profiter des moindres fluctuations boursières.