Connu pour son succès contre les visées de Nestlé sur la source de São Lourenço, Franklin Frederick est également impliqué dans les programmes d'aide des églises suisses au Brésil. Ses relations avec les organisations altermondialistes en font une victime de l'espionnage subi par Attac.

ACTARES: Monsieur Frederick, n’étant pas membre d’Attac, en quoi l’espionnage réalisé par une agente infiltrée de Securitas vous concerne-t-il?
Franklin Frederick: Dans les rapports écrits par l’espionne et remis par Nestlé au Tribunal d’arrondissement de Lausanne, mon nom apparaît bien plus souvent que celui d’autres personnes en contact avec Attac, qui appuye notre campagne en faveur de l’accès public à l’eau.

L’espionne a agi lors de réunions ou de conférences, donc dans des situations presque publiques. Les informations recueillies sont-elles si délicates?
Les détails personnels, adresses électroniques, descriptions physiques et même situations socio-professionnelles, abondent dans les rapports. Et des indices laissent supposer que d’autres informations ont été recueillies. Je suis persuadé que ma correspondance électronique a été surveillée et j’aimerais beaucoup que Peter Brabeck, le président du Conseil d’administration, me dise les yeux dans les yeux si cela est le cas aujourd’hui. Au Brésil, la sécurité publique est assez bien assurée. Mais en Colombie, les syndicalistes risquent leur vie si leurs coordonnées tombent dans des mains malveillantes! Il est primordial de savoir quelle utilisation a été faite de ces données.

Nestlé a publiquement renié ces pratiques. Qu’en pensez-vous?
Nestlé semble poursuivre une stratégie d’infiltration et de noyautage des milieux critiques. Cet été, Roland Decorvet, directeur de Nestlé Suisse, s’est fait élire au conseil de l’Entraide protestante suisse. Même si c’est à titre personnel, le conflit de loyauté est flagrant, ne serait-ce qu’à cause de la «Déclaration oecuménique sur l’eau comme droit de l’homme et bien public», signée en 2005 par les églises chrétiennes de Suisse et du Brésil. Lorsqu’il aura connaissance de projets locaux susceptibles de gêner son employeur, de quel côté penchera sa conscience? Je suis aujourd’hui plus inquiet que jamais.