Actualité

UBS sous haute tension

Une assemblée générale extraordinaire en février, l'assemblée ordinaire en avril et une troisième pratiquement annoncée. Les actionnaires d'UBS traversent une année de turbulences. La nervosité est palpable à tous les niveaux.

Pour UBS, l’année 2007 fut certes émaillée de quelques incidents, comme la liquidation soudaine de l’unité de gestion Dillon Read Capital Management ou le surprenant départ du directeur général Peter Wuffli. Toutefois, la convocation fin décembre d’une assemblée générale extraordinaire destinée à recapitaliser la banque prend tout le monde par surprise.

Le salut oriental

Les causes de mécontentement sont nombreuses. L’ampleur de l’augmentation de capital requise, supérieure à dix pour-cent, crée un choc et ses modalités suscitent l’incompréhension. Le choix s’est en effet porté sur un emprunt obligatoirement convertible réservé au fonds d’investissement du gouvernement de Singapour (GIC) ainsi qu’à un mystérieux investisseur proche-oriental, faisant fi du droit de souscription préférentiel des actionnaires. Le cours de l’action dégringole, mais personne, à la tête de l’établissement, n’est prêt à remettre son mandat, attisant la colère des actionnaires.

La résistance s’organise

Très rapidement, la Fondation Ethos dépose une demande de contrôle spécial afin d’établir les responsabilités de la débâcle. Outre-Atlantique, une plainte collective est en préparation. Une caisse de pensions suisse, Profond, fait inscrire à l’ordre du jour une augmentation ordinaire de capital comme alternative à l’emprunt convertible. ACTARES informe régulièrement ses membres et soutient activement les deux contre-propositions en lice. Le nombre de droits de vote qui nous sont délégués atteint la somme record du demi-million.

Les nerfs à vif

Des policiers en tenue anti-émeute surveillent l’arrivée des actionnaires pour l’assemblée générale extraordinaire de ce 26 février. L’omniprésence de photographes et d’équipes de télévision électrise l’atmosphère et le dérapage se produit lorsque Thomas Minder, le bouillant promoteur de l’initiative populaire «contre les rémunérations abusives» est ceinturé par le service de sécurité. A l’issue de son intervention, il se dirigeait vers Marcel Ospel pour lui remettre un exemplaire du Code des Obligations censé le rappeler à ses responsabilités. Au final, la recapitalisation par emprunt convertible est acceptée par 87% des voix exprimées. Cela peut sembler beaucoup pour une mesure si controversée, mais la chute rapide du cours de l’action UBS a changé la donne sur le plan financier. En effet, ce qui apparaissait fin janvier comme une bonne affaire pour les nouveaux investisseurs s’est transformé pour eux en une opération plutôt médiocre, ou tout du moins grevée de lourdes incertitudes. Pour nombre d’actionnaires, surtout parmi les institutions financières, ce calcul aura été l’argument décisif en faveur de la recapitalisation.

Les conséquences d’un vote

Il en va tout autrement pour la demande de contrôle spécial. Avec 44,5% de «oui» et 51,5% de «non», le résultat constitue une véritable sensation. En tenant compte des 8% d’actions aux mains d’UBS, on voit clairement la volonté de l’actionnariat. Face à tant de discrédit, le Conseil d’administration accepte de transmettre aux actionnaires un large résumé des rapports liés à l’enquête de la Commission fédérale des banques (CFB), l’organe de surveillance helvétique.

Nouvelle recapitalisation

Les conséquences de la crise dite du «subprime», déclenchée par les crédits hypothécaires à risque aux Etats-Unis, ne font qu’empirer, mettant à mal nombre d’institutions financières. Rapidement, l’évidence s’impose: l’injection de capital décidée en février sera insuffisante. Profond, une nouvelle fois, a fait inscrire à l’ordre du jour de l’Assemblée générale ordinaire une augmentation classique de capital, avec droit de souscription préférentiel aux actionnaires. Sa proposition reçoit cette fois le soutien du Conseil d’administration. Dans un climat qui s’assombrit, des voix de plus en plus nombreuses, jusqu’au cœur même du monde de la finance, réclament le départ de Marcel Ospel et critiquent vivement la composition du Conseil d’administration, au sein duquel ne siège personne avec une expérience bancaire acquise hors d’UBS.

Le retrait de Marcel Ospel

Le premier avril, Marcel Ospel annonce qu’il ne sera pas candidat à sa propre succession, contrairement à ce que mentionne l’ordre du jour envoyé la veille aux actionnaires. Peter Kurer, le directeur en charge des affaires juridiques, est proposé pour lui succéder. Malgré un certain soulagement, les critiques pleuvent. Peter Kurer fait partie de la garde rapprochée de Marcel Ospel, celle-là même qui a mené UBS dans le mur. Il est peu probable qu’il soit en mesure d’imposer un changement de cap à la banque. Et les compétences financières continuent à faire cruellement défaut au sein du Conseil d’administration. S’agirait-il d’une solution intérimaire? Les spéculations et les tractations vont bon train.

Une assemblée générale pas tout à fait ordinaire

Le retour à la normale n’est pas encore acquis lors de l’assemblée générale ordinaire du 27 avril. La décharge des organes responsables ne figure pas à l’ordre du jour, officiellement pour attendre la publication des extraits du rapport destiné à la CFB. La manœuvre est habile. Un refus de la décharge serait un camouflet propre à détruire le reste de confiance dont jouit la banque. Dans le cas contraire, les actionnaires qui nourrissent des doutes sur la régularité de la gestion auraient six mois pour porter leurs griefs devant la justice, ouvrant les vannes d’une cascade de procès. Pour ACTARES, qui évite de pratiquer le vote protestataire, le dilemme est cruel. Refuser l’élection de Peter Kurer, en l’absence d’alternative, signifie précipiter UBS davantage encore dans la crise. La décision d’un «oui» pragmatique nous oblige à la plus grande vigilance.

Des changements annoncés

Conscient de la fragilité de son élection, Peter Kurer annonce devant ses actionnaires des changements au sein du Conseil d’administration pour les mois à venir. Quasiment un rendez-vous pour une nouvelle assemblée générale extraordinaire.

  • Disponible en anglais uniquement sous forme de fichier PDF sur le site internet d’UBS à l’adresse suivante: www.ubs.com/1/e/investors/agm.html, sous le titre «Shareholder Report on UBS’s Write-Downs».

Glossaire

Emprunt obligatoirement convertible: Emprunt remboursé par des actions de la société débitrice.
GIC: La «Government Investment Corporation» de Singapour est chargée d’investir les excédents budgétaires de cet état. Plusieurs pays possèdent des institutions semblables, appelées «fonds souverains».
Droit de souscription préférentiel: En cas d’augmentation de capital, le Code des Obligations garantit à tout actionnaire une part des actions nouvellement émises correspondant à sa part antérieure.
Contrôle spécial: Enquête externe destinée à élucider des faits survenus au sein d’une société anonyme, qui peut être soit décidée par l’assemblée générale, soit ordonnée par un juge sur requête d’actionnaires représentant 10% du capital.
CFB: La Commission fédérale des banques est l’autorité de surveillance des banques, des marchés financiers et des acteurs qui y sont impliqués. Elle délivre notamment l’autorisation nécessaire pour accepter les dépôts pécuniaires du public.
Subprime: Crédits hypothécaires à risque, appelés aux USA «subprime mortgage», accordés à des débiteurs n’offrant pas des garanties de solvabilité satisfaisantes.