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Actionnaires infidèles

Peter Brabeck, le patron de Nestlé, oppose la liberté des actionnaires, qui peuvent vendre leurs actions à tout moment, à la fidélité exigée des dirigeants. Réflexion intéressante, mais sans conséquence concrète.

Pour marquer ses dix ans, la Fondation Ethos a organisé en septembre une journée de conférences de haut niveau, avec Peter Brabeck en vedette. Si la désignation de son successeur à la direction générale, Paul Bulcke, dévoilée la veille, était sur toutes les langues, le patron de Nestlé a réussi à prendre tout le monde de court: analysant les rapports entre actionnaires et dirigeants, il déplora l’asymétrie, voire l’injustice de leur relation. Alors que ces derniers doivent fidélité à l’entreprise, les actionnaires sont libres de quitter le navire à leur gré.

Capitalisme prédateur

Etait-ce une manière de saluer la politique d’investissement à long terme pratiquée par Ethos? Ou de critiquer le comportement prédateur de certaines sociétés de participations ou autres «hedge funds» dont on a pu observer les agissements envers des entreprises comme Ascom ou Sulzer? Probablement les deux. Il est certain que l’absentéisme actionnarial a récemment posé problème pour la révision des statuts de Nestlé. Trop d’actionnaires n’ont même pas pris la peine de s’inscrire au registre, mettant hors d’atteinte les quorums requis pour certaines décisions.

Une liberté nécessaire

Et pourtant, la liberté de vendre ses actions est un facteur décisif du succès de l’économie capitaliste. L’actionnaire, même fidèle, peut toujours se trouver en situation minoritaire et perdre confiance. Ou tout simplement avoir besoin de liquidités à un moment donné. Sans liberté de disposer en tout temps de sa propriété (rappelons qu’une action n’est pas une créance, mais bien une part de propriété), bien peu de monde serait disposé à investir son argent sous forme d’actions. Du même coup, les entreprises rencontreraient les pires difficultés à financer leurs activités, grippant tout le système économique. Peter Brabeck, tenu par son mandat à une responsabilité d’ordre fiduciaire envers celles est ceux qui l’ont élu, devra donc continuer à composer avec un actionnariat hétéroclite et potentiellement volage.